Daniel Cohn-Bendit pontifie

Je viens d'entendre par hasard (dans Chez FOG, sur France 5) l'un de nos grands prêtres, Daniel Cohn-Bendit. Face à Alain Juppé, il faisait mine de voir loin. La relance du secteur automobile par des injections de capitaux publics ne fonctionnerait pas, avertissait-il ; la voiture telle que nous la connaissons appartenaient au passé. Il convenait d'apporter ces fonds publics à la recherche-développement pour la mise au point de véhicules propres.

Voilà typiquement l'une de ces invocations religieuses dont les blancs vont se gargariser dans les temps à venir. Le véhicule propre est encore à inventer. Pour ce qui est de l'automobile électrique, nous en sommes où nous en étions avec la Jamais Contente : même poids de batteries, même vitesse de pointe, même autonomie. Depuis 1899, nous n’avons pas progressé. L'hydrogène ? Trop cher, peu pratique. Le reste ? Dans les limbes.

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Une manne d'argent public permettrait de tripler les effectifs des bureaux d'ingénieurs. Ainsi renforcés, les chercheurs trouveraient-ils plus vite ? C'est bien douteux. Devenus quasiment fonctionnaires, obéissant in fine à des politiques peu considérés, on ne voit pas par quelle magie l'étincelle jaillirait de leurs neurones.

La trouvaille viendra quand la nécessité l'engendrera, c’est-à-dire quand le pétrole manquera drastiquement, quand la concurrence sera aiguisée à l'extrême, quand la libido, comme le disait excellemment Pascal Bruckner il y a peu dans Le Monde, désinvestira la voiture actuelle au sein des élites, quand le désir du consommateur opérera sa subversion sur le désir des chercheurs. Pour que ce temps vienne, il faut d'abord que s’épuisent les temps anciens.

Toute crise est le denier soubresaut de formes moribondes pour que viennent au jour les formes du futur. Pas d’accouchement du neuf sans, d’abord, les tremblements de l'agonie.

Les politiques ne répareront pas le capitalisme, il se réparera bien tout seul. Leur travail est de protéger la paix sociale au sein de la communauté qui les a élus. Leurs dons d'argent à General Motors ou à Renault sont donc de bonnes mesures.

Le politique : panem et circenses

J'ai envie d'un petit détour d’histoire.

Les fortifications édifiées par Vauban sont aujourd'hui inscrites au patrimoine mondial de l'Unesco. Ce succès français engendre nombre d'articles de presse ou de communications institutionnelles qui revisitent Vauban avec nos yeux d'aujourd'hui.

Ainsi loue-t-on l'homme pour s’être opposé à l'abrogation de l'Édit de Nantes. L'argumentation que Vauban fit entendre pour désapprouver le bannissement des protestants était économiquement rationnelle. Il a montré que l'expulsion de laboureurs, de soldats, d'artisans qualifiés, d'entrepreneurs était une amputation qui coïncidait mal avec la grande ambition qui était alors celle française.

Mais son raisonnement pêchait d'être étroitement économique. Louis XIV avait pour mission de préserver la paix sociale, de satisfaire son opinion : nulle ambition possible sans cette condition première. Pour cela, il lui fallait bien désigner un bouc émissaire. L'expulsion des protestants fut infiniment populaire dans le royaume. Et c'est pourquoi Louis XIV eut raison.

Daniel Cohn-Bendit serait un piètre logisticien du devenir automobile, mais il est un prêtre qui, depuis quarante ans, fait excellemment son travail et répand puissamment la haine. Ce qui est à entendre est que l'écologie n'est pas qu'idéologie bonhomme. Le côté obscur de sa force est qu'elle supplante peu à peu le droits-de-l’hommisme comme discours d'accompagnement de la canonnière. Daniel Cohn-Bendit, qui traitait il y a quatorze ans de Goebbels un dirigeant de la résistance algérienne, qui suggérait il y a dix ans qu'on porte la guerre en Turquie pour "libérer les Kurdes", prononce les fatwas qui nous permettront demain de violenter bien du monde.

Au nom du bien, cela va sans dire.